… ou la courte histoire de mon frère Xavier.

Xavier Schlumberger en « zazou » sur un socle de statue, Paris 1943.
Dessin de Serge Harlé, qui s’engagera plus tard au 2ème bataillon de choc avec le groupe dénommé « les lycéens de Janson de Sailly ».

Juin 1943 : Chahut du bac de 1ère C à Paris. Accoutré en « zazou », le lycéen Xavier Schlumberger est monté sur un socle dont la statue en bronze a été retirée. Il fait chanter les spectateurs après avoir imité alternativement la voix de Pétain et celle de de Gaulle.

Le garçon (17 ans 1/2) est arrêté et conduit au poste de police. Les agents le laissent seul un instant et il en profite pour s’évader. Le dessin au crayon est fait par un camarade de son âge.

Décembre 1943 : Le garçon récidive en préparant cette fois un jeu de piste pour son équipe de « routiers » Éclaireurs Unionistes. Le socle est cette fois-ci celui de la statue de Victor Hugo.

Le garçon est pris, conduit au commissariat et interrogé pendant deux heures avant d’être relâché. Dans une lettre qu’elle m’écrit Vabre, ma mère dit avec humour : « On voulait lui faire avouer qu’il faisait partie d’une bande de terroristes. Finalement son chef routier a fait son apparition avec le plan écrit des diverses étapes du jeu… ». Chose curieuse, la manœuvre représentait justement les évolutions rocambolesques de deux bandes de terroristes.

Les agents étaient fort divertis. Celui qui avait amené Xavier au Commissariat l’a introduit chez le Commissaire avec un grand geste : « Je vous présente Victor Hugo ».

Sous ce prétexte de jeux scouts entre adolescents, Xavier se prépare avec ses copains à monter, près de Fontainebleau, un petit maquis de renseignement pour le B.C.R.A. sous l’égide d’anciens de l’École d’Uriage (Pierre Hoepffner dit Honcourt, Dunoyer de Segonzac dit Hugues). Il est arrêté le 5 juin 1944 en même temps qu’Hélène Kocher dite Nanouk, agente de liaison de Segonzac, à une « boîte aux lettres » découverte par la Gestapo. Prévenu à temps, Segonzac pourra échapper à l’arrestation et rejoindre le maquis de Vabre le 15 juin.

Nanouk et Xavier seront déportés en août, l’une à Ravensbruck, l’autre à Buchenwald.

Nanouk sera fusillée en février 1945, Xavier expirera dès janvier. Il avait 19 ans.

Odile de Rouville, Vabre, 2004

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